1. Avant de prévoir, il faut savoir ce qui se passe maintenant
La première étape d’une prévision, c’est une photo la plus précise possible de l’atmosphère actuelle.
Pour le vent, on récupère des mesures venant de partout.
1.1 Les stations météo au sol
Des milliers de stations météo mesurent :
la direction du vent (avec une girouette),
la vitesse du vent (avec un anémomètre),
en général à 10 mètres de hauteur standard.
Ces stations peuvent être :
à l’aéroport,
dans les zones rurales,
sur des plateaux,
en ville (mais avec prudence car la ville perturbe le vent).
Elles envoient leurs données toutes les 10 minutes ou toutes les heures (voire plus souvent dans certains réseaux).
1.2 Les navires, bouées et plateformes en mer
Sur les océans et mers :
des navires,
des bouées météorologiques,
des plateformes offshore,
mesurent également le vent. C’est essentiel, car c’est en grande partie au-dessus des océans que naissent les dépressions et les tempêtes qui influenceront nos régions.
1.3 Ballons-sondes (radiosondages)
Les ballons-sondes (radiosondages) sont envoyés deux fois par jour depuis de nombreuses stations :
ils montent jusqu’à 20–30 km d’altitude,
mesurent le vent en altitude (direction, vitesse),
ainsi que température, humidité, pression.
Ça permet de connaître la structure du vent :
près du sol,
dans les basses couches,
dans les courants-jets en altitude.
1.4 Satellites et radars
Les satellites peuvent estimer le vent :
en suivant les nuages,
en utilisant l’état de la mer (vagues, rides à la surface),
grâce à des instruments spécialisés (scatteromètres).
Les radars météorologiques, eux, mesurent plutôt les précipitations, mais certains types peuvent aussi donner des indications sur le vent (profil du vent, cisaillement, etc.) dans les zones de pluie.
2. Les modèles numériques : le cœur de la prévision du vent
Une fois que l’on connaît au mieux l’état actuel de l’atmosphère, on utilise des modèles de prévision numérique du temps.
Ce sont des programmes qui résolvent les équations de la physique de l’atmosphère :
conservation de la masse,
conservation de la quantité de mouvement (forces),
conservation de l’énergie,
loi des gaz, etc.
Ces équations permettent de savoir :
comment l’air va se déplacer dans les prochaines heures / prochains jours → donc comment le vent va évoluer.
2.1 Le lien avec la pression : le moteur du vent
Le vent est essentiellement la conséquence des différences de pression dans l’atmosphère.
Là où la pression est plus élevée → l’air “pousse” plus fort.
Là où elle est plus basse → l’air “pousse” moins.
L’air se met donc en mouvement des hautes pressions vers les basses pressions, mais modifié par :
la rotation de la Terre (force de Coriolis),
la friction avec le sol,
le relief (montagnes, vallées).
Les modèles calculent :
comment les zones de haute et basse pression vont se déplacer,
comment l’air va circuler autour d’elles,
donc la direction et la force du vent à chaque point du globe et à différentes altitudes.
2.2 Résolution spatiale : taille des “cases”
L’atmosphère est découpée en petites “cases” (mailles de grille) :
modèles globaux : mailles de quelques kilomètres à dizaines de kilomètres,
modèles régionaux : mailles plus fines (parfois de l’ordre de 1–3 km).
Pour chaque case, le modèle prédit :
le vent,
la température,
l’humidité,
la pression, etc.
Plus la maille est fine, plus on peut représenter :
les effets du relief,
les valleys,
les contrastes terre/mer,
et donc affiner les prévisions de vent localement.
3. De la grande échelle au local : pourquoi le relief et la mer sont essentiels
Les modèles donnent un vent “de base” (le flux général). Ensuite, les météorologues savent qu’il sera modifié localement.
3.1 Effet du relief
Les montagnes, collines, vallées :
canalisent le vent (vent plus fort dans les cols ou certaines vallées),
le ralentissent ailleurs (vallées encaissées, zones abritées),
le forcent à monter ou descendre (versants exposés).
Les modèles à maille fine et l’expérience du prévisionniste permettent de corriger :
“Le modèle donne 40 km/h ici, mais dans cette vallée orientée dans l’axe du flux, on sait qu’on peut atteindre 60 km/h”.
3.2 Effet mer / terre
Près de la mer :
la brise de mer (vent de la mer vers la terre l’après-midi)
et la brise de terre (vent de la terre vers la mer la nuit)
modifient le vent prévu par le modèle à grande échelle.
Les modèles à haute résolution simulent de mieux en mieux ces phénomènes, mais le prévisionniste garde souvent un œil critique, surtout pour :
la côte,
les estuaires,
les zones de lacs.
4. Vent moyen, rafales : comment les modèles s’y prennent ?
Les modèles calculent d’abord le vent moyen dans chaque “case”, à une certaine hauteur (souvent 10 m au-dessus du sol).
4.1 Le vent moyen
C’est le vent “continu” :
utilisé pour prévoir la tendance générale : vent faible, modéré, fort,
utile pour la navigation, l’éolien, l’aviation, etc.
Les cartes et tableaux donnent souvent ce vent moyen en :
km/h,
m/s,
ou nœuds.
4.2 Les rafales
Les rafales sont plus difficiles à prévoir car elles dépendent de la turbulence et des mouvements verticaux.
Les modèles estiment les rafales en fonction de :
la différence entre le vent en altitude (plus fort) et le vent près du sol,
la capacité de l’atmosphère à mélanger ces couches (instabilité, convection),
la présence de pluie, d’averses ou d’orages (courants descendants, fronts de rafale).
Ils calculent alors un vent maximal probable sur une courte durée (rafale), par exemple :
Vent moyen 50 km/h, rafales possibles 80–90 km/h.
Le prévisionniste ajuste ensuite ces valeurs en fonction de ce qu’il connaît :
du relief,
de la rugosité du sol (ville, forêt, plaine),
des orages prévus, etc.
5. Les ensembles : prévoir aussi l’incertitude
Prévoir le vent, surtout sa force exacte, n’est jamais parfaitement certain.
Pour mieux estimer l’incertitude, les météorologues utilisent des prévisions d’ensemble :
on lance plusieurs simulations du modèle (des “membres”),
en changeant légèrement les conditions de départ ou certains paramètres,
on obtient une famille de scénarios.
Si :
tous les scénarios donnent un vent fort de secteur ouest,
on est assez confiant sur la direction et l’ordre de grandeur de la force.
Si :
certains scénarios donnent vent fort, d’autres vent modéré,
on sait que la prévision est plus incertaine :
le bulletin le reflètera parfois avec des termes comme “rafales possibles jusqu’à…” ou “vent parfois fort”.
C’est particulièrement important pour :
les tempêtes,
les situations de coup de vent,
les épisodes orageux où les rafales peuvent varier énormément d’un endroit à l’autre.
6. Comment ça se traduit pour le grand public ?
Au final, tout ce travail se retrouve :
dans les pictogrammes de vent sur les cartes,
dans les flèches et barbules sur les cartes plus techniques,
dans les phrases des bulletins météo.
Par exemple :
“Vent de sud-ouest 40 à 50 km/h, rafales 70 km/h en soirée.”
Ça résume :
la direction (sud-ouest → d’où vient le vent),
le vent moyen (40–50 km/h),
les pics possibles (rafales à 70 km/h),
souvent avec des nuances selon les régions :
“Plus fort sur les hauteurs” / “plus faible dans les vallées”.
7. En résumé
Pour répondre clairement à :
“Comment les météorologues prévoient-ils la direction et la force du vent ?”
Ils commencent par observer :
stations au sol,
bouées et navires,
ballons-sondes,
satellites.
Ils utilisent ensuite des modèles numériques qui calculent :
l’évolution des pressions,
des températures,
et donc des vents (direction + vitesse),
dans un maillage qui couvre le globe, puis des mailles plus fines pour les régions.
Ils tiennent compte :
du relief (montagnes, vallées, cols),
de la mer (brises, effets côtiers),
de la rugosité du sol (ville, forêt, plaine).
Ils distinguent :
le vent moyen (flux général, plus “constant”),
les rafales (pics, souvent plus dangereuses).
Ils utilisent des prévisions d’ensemble pour estimer :
la fiabilité de la prévision de vent,
les scénarios possibles (vent fort vs très fort).
En bref :
prévoir le vent, ce n’est pas deviner “au doigt mouillé”,
c’est combiner un instantané précis de l’atmosphère, les lois de la physique dans des supercalculateurs, et l’expérience des météorologues pour traduire tout ça en mots simples :
“Vent de nord-est, modéré à assez fort, rafales près de la côte.”