1. Deux grandes familles de satellites météo
Tous les satellites ne tournent pas de la même façon autour de la Terre. Pour la météo, on utilise surtout deux types d’orbites.
1.1 Les satellites géostationnaires : toujours au-dessus du même endroit
Ce sont les grands classiques des images météo animées qu’on voit à la télé.
Ils sont placés très loin de la Terre, à environ 36 000 km d’altitude.
Ils tournent à la même vitesse angulaire que la Terre.
Résultat : pour un observateur au sol, ils semblent fixes au-dessus du même point (souvent au-dessus de l’équateur).
Avantages :
Ils voient la moitié d’un hémisphère en permanence.
Ils peuvent envoyer une nouvelle image tous les 5–10 minutes, parfois encore plus souvent.
Idéal pour suivre :
l’évolution des nuages,
la naissance des orages,
la trajectoire des tempêtes.
Inconvénients :
Comme ils sont très loin, la résolution (niveau de détail) est plus limitée que celle de satellites plus proches.
1.2 Les satellites en orbite polaire : ils “scannent” la planète par bandes
Ceux-là :
tournent autour de la Terre à faible altitude, typiquement 700–900 km,
sur une orbite passant au-dessus des pôles,
pendant que la Terre tourne au-dessous.
Résultat :
Ils ne voient pas toujours le même endroit,
mais, au fil des orbites, ils finissent par couvrir toute la planète plusieurs fois par jour.
Avantages :
Meilleure résolution (plus de détails), puisqu’ils sont plus proches.
Mesures plus fines, très utiles pour l’étude du climat, des profils de température, d’humidité, etc.
Inconvénients :
Ils ne voient pas en permanence la même région :
pour avoir une “animation” continue sur une zone, il faut combiner plusieurs passages.
Météo opérationnelle = beaucoup d’images géostationnaires pour le temps réel + des mesures polaires pour les détails et la qualité des prévisions.
2. Les satellites ne voient pas les nuages comme nos yeux
Un satellite ne prend pas juste une “photo classique” comme un appareil photo.
Il mesure surtout des rayonnements (lumière visible, infrarouge, micro-ondes…) et les convertit en images.
Pour simplifier, on peut dire qu’il dispose de plusieurs “canaux” :
Canal visible : comme notre œil, il capte la lumière du Soleil réfléchie par les nuages et le sol.
Canal infrarouge thermique : il mesure le rayonnement de chaleur émis par la Terre et les nuages.
Canaux vapeur d’eau : versions spéciales de l’infrarouge sensibles à la vapeur d’eau.
Micro-ondes (sur certains satellites) : permettent de “voir à travers” certains nuages pour mesurer la pluie, etc.
On va les passer un par un.
3. Le canal visible : comme si on regardait la Terre par le hublot
En lumière visible, un satellite voit un peu ce que verrait un humain dans l’espace :
Les nuages apparaissent blancs ou blanc-gris (ils réfléchissent beaucoup la lumière).
La mer est plus sombre, les continents plus ou moins clairs selon la végétation, les déserts, la neige…
Les nuages épais et brillants (comme ceux d’orage) ressortent très bien.
Limites :
Ça ne marche que de jour (il faut la lumière du Soleil).
Difficile de voir la différence de température entre un nuage haut et un nuage bas.
Certaines surfaces très réfléchissantes (neige, glace) peuvent ressembler à des nuages.
Mais pour suivre l’aspect visuel des systèmes nuageux et repérer les structures fines, c’est très précieux.
4. Le canal infrarouge : voir les nuages la nuit et mesurer leur température
L’infrarouge thermique, c’est la chaleur émise par les objets.
Même sans lumière, un corps chaud émet du rayonnement infrarouge.
Les satellites détectent ce rayonnement :
Les surfaces chaudes (sol, mer chaude, nuages bas) émettent plus d’infrarouge → apparaissent plus “chaudes” dans l’image.
Les nuages haut situés (sommet de cumulonimbus, cirrus) sont plus froids → émettent moins → apparaissent plus “froids”.
En pratique, les images infrarouges météo sont souvent codées :
en nuances de gris :
nuages hauts et froids → blanc / gris clair,
nuages bas ou sol chaud → gris foncé / noir ;
ou en fausses couleurs (bleu, rouge, violet) pour mieux distinguer les niveaux de température.
Avantages :
Fonctionne jour et nuit.
Permet d’estimer la température du sommet des nuages, donc leur altitude approximative (nuages très hauts = très froids).
Très utile pour suivre les orages, cyclones, systèmes frontaux.
C’est grâce à l’IR qu’on peut définir, par exemple, la zone la plus active d’un orage (sommet très froid = fort développement vertical).
5. Les canaux vapeur d’eau : suivre la “matière première” des nuages
Certains canaux infrarouges sont conçus pour être particulièrement sensibles à la vapeur d’eau de l’atmosphère.
Ils permettent de :
voir non seulement les nuages,
mais aussi les zones très humides ou très sèches dans les couches moyennes et hautes de l’atmosphère.
Sur ces images, on voit :
des rubans humides (zones où des nuages peuvent facilement se développer),
des zones sèches en altitude (air sec qui limite la convection),
les flux d’humidité transportés par les courants-jets.
C’est un outil précieux pour :
comprendre pourquoi les nuages se forment plus ici que là,
prévoir l’intensité et la durée des perturbations,
suivre l’alimentation en air humide des cyclones, par exemple.
6. Les micro-ondes : “voir” à travers certains nuages et mesurer la pluie
Certains satellites (souvent en orbite polaire) sont équipés de radiomètres micro-ondes.
Les micro-ondes ont une particularité :
Elles traversent en partie les nuages, mais interagissent avec l’eau liquide et la neige à l’intérieur.
On peut donc en déduire des informations sur :
la présence de pluie,
son intensité approximative,
la structure interne des systèmes nuageux.
Ça permet :
d’estimer la pluie au-dessus des océans (où on n’a pas de pluviomètres),
de compléter les radars météo terrestres,
d’améliorer les modèles de prévision.
Les micro-ondes ne produisent pas des images “belles” comme les photos satellites classiques, mais ce sont des données super utiles pour la pluie et les précipitations en général.
7. Comment transforme-t-on ces mesures en images météo ?
Dans un satellite, chaque instrument :
mesure une intensité de rayonnement dans une bande de fréquences donnée,
pour chaque “pixel” de la scène observée.
On obtient des grilles de nombres (température de brillance, intensité, etc.).
Ensuite :
on attribue une couleur à chaque valeur (par exemple, plus c’est froid, plus c’est blanc ou plus c’est rouge),
on combine parfois plusieurs canaux (visible + IR + vapeur d’eau) pour créer des images en fausses couleurs très parlantes.
Exemples :
composite où les nuages de glace apparaissent en jaune, les nuages d’eau en bleu, etc.
composite “air sec / air humide” pour suivre la dynamique à grande échelle.
Les images que l’on voit sur les sites météo sont souvent des versions simplifiées ou colorisées pour que l’œil humain distingue mieux :
nuages bas / nuages hauts,
zones pluvieuses / zones sèches,
sommet froid d’orage / nuages moyens.
8. À quoi servent concrètement ces observations de nuages depuis l’espace ?
Les satellites sont devenus indispensables pour la météo moderne et l’étude du climat.
8.1 Pour la prévision du temps
Suivre en temps réel les systèmes nuageux : perturbations, fronts, orages, cyclones.
Détecter la naissance d’orages violents ou de cyclones tropicaux loin au-dessus des océans.
Alimenter les modèles numériques de prévision avec :
la distribution des nuages,
la température des sommets,
la vapeur d’eau, etc.
Sans satellites, on serait quasiment aveugles au-dessus des océans et de vastes zones peu observées.
8.2 Pour le climat
Sur plusieurs décennies, les satellites permettent de :
mesurer l’évolution de la nébulosité globale (couverture nuageuse moyenne),
suivre les tendances des nuages de haute altitude (cirrus, nuages liés aux avions, etc.),
mieux comprendre le rôle des nuages dans le bilan énergétique de la Terre (effet refroidissant par réflexion du Soleil, effet réchauffant par effet “couverture”).
Les nuages sont l’un des éléments les plus complexes du système climatique ; les satellites offrent une vision globale et continue qui n’existait pas avant.
9. Les limites : tout n’est pas parfait
Même depuis l’espace, il reste des défis :
Distinguer précisément nuages bas / brouillard / neige au sol peut être compliqué, surtout en hiver.
Les observations sont parfois perturbées par :
les angles de vue (proche de l’horizon),
certaines surfaces très réfléchissantes ou très chaudes.
Interpréter les images demande de l’expérience : une même image peut raconter des choses différentes selon le contexte.
C’est pour cela qu’il faut toujours des météorologues humains pour analyser les images et les combiner avec d’autres sources (radars, stations, modèles).
10. En résumé
Pour répondre simplement à “Comment les satellites observent-ils les nuages depuis l’espace ?” :
Ils tournent autour de la Terre soit en orbite géostationnaire (vue continue sur une région), soit en orbite polaire (vue détaillée par bandes).
Ils ne “prennent pas juste des photos” : ils mesurent des rayonnements dans différentes longueurs d’onde :
visible : aspect visuel des nuages, seulement de jour,
infrarouge : température des sommets de nuages, fonctionnel jour et nuit,
vapeur d’eau : zones humides ou sèches en altitude,
micro-ondes : structure interne, pluie, eau liquide.
On convertit ces mesures en images codées en couleurs, souvent composites, pour mieux distinguer les types de nuages et leurs caractéristiques.
Ces observations servent autant à la prévision opérationnelle (suivi en temps réel des nuages et des pluies) qu’à la recherche climatique.
En bref :
Les satellites observent les nuages en “mesurant la lumière” sous toutes ses formes, depuis des milliers de kilomètres au-dessus de nos têtes, et nous donnent une vision globale et continue de l’atmosphère que l’on n’aurait jamais depuis le sol.