1. C’est quoi exactement “l’épaisseur” d’un nuage ?
Quand on parle d’épaisseur d’un nuage, on parle de son épaisseur verticale, c’est-à-dire :
la distance entre la base du nuage (là où il commence) et son sommet (là où il se termine).
Si la base est à 800 m d’altitude et le sommet à 2 300 m, l’épaisseur du nuage est d’environ 1 500 m.
Problèmes :
Un nuage n’a pas des contours parfaitement nets : sa base et son sommet sont souvent un peu diffus, “flous”.
Il peut être plus épais par endroits et plus mince à d’autres → on parle alors souvent d’une épaisseur moyenne.
Certains nuages sont très fins (quelques centaines de mètres), d’autres sont de véritables tours verticales (cumulonimbus de 10 km de haut ou plus).
Donc dès le départ, mesurer l’épaisseur signifie en réalité :
Estimer où commence vraiment le nuage, et jusqu’où il s’étend.
2. Première étape : mesurer la hauteur de la base du nuage
Pour connaître l’épaisseur, il faut déjà savoir où se trouve la base.
2.1 Ceilomètre : le “radar laser” pour la base des nuages
Dans les aéroports et sur certaines stations météo, on utilise un instrument appelé ceilomètre.
Principe :
Il envoie un faisceau laser vers le ciel.
Le faisceau est réfléchi par les gouttelettes du nuage.
L’instrument mesure le temps aller-retour de la lumière.
En connaissant la vitesse de la lumière, on déduit la distance → donc la hauteur de la base.
C’est un peu comme un radar, mais avec de la lumière au lieu des micro-ondes.
Les ceilomètres indiquent régulièrement :
la hauteur de la première base de nuage,
parfois aussi les autres couches s’il y a plusieurs niveaux.
C’est crucial pour l’aviation : un pilote a besoin de savoir à quelle hauteur sont les nuages pour l’atterrissage et le décollage.
2.2 Estimation par la température et l’humidité
Quand on n’a pas de ceilomètre, on peut estimer la base du nuage en utilisant :
la température de l’air,
et la température du point de rosée (mesure de l’humidité).
Plus l’air est sec, plus il doit monter haut pour se refroidir et atteindre la saturation → base de nuage plus haute.
Plus l’air est humide, plus la base est basse.
Il existe des formules approximatives que les météorologues utilisent pour estimer la hauteur de la condensation (donc la base des cumulus) à partir de ces deux paramètres.
3. Deuxième étape : mesurer la hauteur du sommet du nuage
Connaître la base ne suffit pas, il faut aussi savoir jusqu’où monte le nuage.
3.1 Ballons-sondes (radiosondages)
Les ballons-sondes sont une façon très directe de sonder l’atmosphère.
On fait monter un ballon rempli d’hélium ou d’hydrogène.
Il emporte une petite sonde qui mesure :
température,
humidité,
pression,
parfois vent.
On suit ses mesures en continu pendant qu’il grimpe.
Quand le ballon :
passe de l’air humide à l’air sec,
ou rencontre des variations brusques de température ou d’humidité,
on peut repérer :
les couches nuageuses,
la base et le sommet.
C’est une méthode très utilisée pour la recherche et la modélisation, mais pas quelque chose qu’on lance toutes les 5 minutes : c’est plus lourd qu’un ceilomètre.
3.2 Radars météorologiques pointés vers le haut
Certains radars météo peuvent être utilisés en mode profil vertical (plutôt que balayage horizontal comme les radars de pluie classiques).
Ils envoient des ondes vers le haut.
Ces ondes sont réfléchies par les gouttelettes ou cristaux dans les nuages.
On peut ainsi voir où se trouve la partie supérieure du nuage (là où le signal disparaît).
Cela permet d’obtenir une idée assez précise de l’épaisseur des couches nuageuses, surtout pour les nuages stratiformes (nimbostratus, altostratus, etc.).
4. Satellites : mesurer le sommet et “déduire” l’épaisseur
Depuis l’espace, les satellites ne voient pas la base du nuage, mais surtout son sommet.
4.1 Température du sommet via l’infrarouge
Les satellites météo en infrarouge mesurent la température du sommet des nuages.
Plus le sommet est froid, plus le nuage est haut (en général).
Avec un profil de température de l’atmosphère (grâce aux radiosondages et modèles), on peut associer cette température à une altitude.
On obtient donc :
Hauteur du sommet du nuage (ou au moins une estimation).
Ensuite, si on connaît la base (mesurée par un ceilomètre ou estimée par un modèle ou un radiosondage local), on peut en déduire :
épaisseur ≈ hauteur du sommet – hauteur de la base.
C’est approximatif, mais suffisant pour de nombreuses applications (prévision, climatologie).
4.2 Satellites spécialisés (radar et lidar spatiaux)
Il existe aussi des satellites plus “pointus”, comme ceux des missions de recherche (par exemple type radar nuage + lidar), qui :
envoient un faisceau radar ou laser vers la Terre,
reçoivent le signal renvoyé par les nuages,
et produisent de véritables coupes verticales des nuages.
Avec ces instruments, on peut voir :
la base,
le sommet,
les différentes couches à l’intérieur du nuage.
C’est de l’orfèvrerie scientifique, très utile pour comprendre la physique des nuages et améliorer les modèles climatiques.
5. Mesure directe : avions et drones
Autre méthode très “concrète” : traverser le nuage.
5.1 Avions de recherche
Des avions équipés d’instruments mesurent :
la température,
l’humidité,
la concentration de gouttelettes,
la présence de glace, etc.
En entrant par la base du nuage et en sortant par le sommet, on obtient :
l’altitude d’entrée (base),
l’altitude de sortie (sommet),
donc l’épaisseur réelle du nuage à l’endroit traversé.
C’est très précis, mais évidemment :
coûteux,
limité dans l’espace et le temps (on ne peut pas le faire partout tout le temps).
5.2 Drones
Les drones météorologiques commencent aussi à être utilisés :
plus petits,
plus flexibles,
capables de traverser des couches nuageuses moyennes ou basses.
Même principe : on mesure les conditions à différentes altitudes pour reconstruire la structure verticale des nuages.
6. Peut-on estimer l’épaisseur d’un nuage sans gros instruments ?
Pour le grand public, on peut parfois faire des estimations grossières.
6.1 En combinant type de nuage + altitudes typiques
On sait, en gros, où se trouvent certains nuages :
Stratus : base très basse (0–500 m), sommet rarement très haut → épaisseur parfois de quelques centaines de mètres.
Cumulus de beau temps : base vers 800–1 500 m, sommet vers 2 000–3 000 m → épaisseur de 1 à 2 km.
Altostratus : base entre 2 et 4 km, sommet vers 5–6 km → épaisseur de quelques kilomètres.
Cumulonimbus d’orage : base entre 500 et 2 000 m, sommet jusqu’à 10–12 km → épaisseur de 8 à 10 km, parfois plus.
En voyant un énorme nuage d’orage avec un sommet en enclume très haut, on peut se douter que l’on parle d’un monstre de plusieurs kilomètres d’épaisseur.
6.2 Avec les données météo locales
Si tu as accès :
à la hauteur de base (par une observation météo ou un rapport d’aéroport),
et à la température du sommet (via des cartes satellite, par exemple),
on peut utiliser les profils standards de température (le “gradient vertical”) pour estimer à quelle altitude correspond cette température, donc l’épaisseur verticale.
Mais ça reste plutôt un jeu d’initiés qu’un exercice à faire sur un coin de table en 2 minutes.
7. Pourquoi mesurer l’épaisseur des nuages est important ?
Ce n’est pas juste pour la beauté du geste, ça a beaucoup d’usages.
7.1 Pour la météo opérationnelle
Prévision des précipitations : un nuage épais est plus susceptible de donner de la pluie / neige qu’un nuage très fin.
Orages : l’épaisseur (et la hauteur du sommet) d’un cumulonimbus donne une indication sur la violence potentielle de l’orage.
Glace en altitude : important pour l’aviation (risque de givrage).
7.2 Pour l’aviation
Un nuage très épais en altitude moyenne peut imposer de voler au-dessus ou au-dessous.
Pour les décollages/atterrissages, on doit savoir si les avions seront dans les nuages sur une grande épaisseur ou seulement sur une mince couche.
7.3 Pour le climat et l’énergie solaire
Les nuages influencent le bilan énergétique de la Terre :
Ils renvoient une partie de la lumière du Soleil vers l’espace,
Mais retiennent aussi une partie du rayonnement infrarouge émis par la Terre.
L’épaisseur d’un nuage joue sur :
sa capacité à réfléchir le soleil (nuage épais = plus de réflexion),
sa capacité à piéger la chaleur.
Pour les panneaux solaires, par exemple :
un voile fin de cirrus n’a pas du tout le même effet qu’un gros nimbostratus de plusieurs kilomètres d’épaisseur.
8. En résumé
Peut-on mesurer l’épaisseur d’un nuage ?
👉 Oui, mais pas avec un simple instrument unique.
On combine généralement :
des mesures au sol (ceilomètres, observations, thermomètre + hygromètre) pour la base,
des mesures en altitude (ballons-sondes, radars, lidar, avions, drones) et des satellites pour le sommet,
puis on fait : épaisseur = hauteur du sommet – hauteur de la base.
Mais :
un nuage n’a pas des limites parfaitement nettes,
son épaisseur varie d’un endroit à l’autre,
donc on parle souvent d’épaisseur “typique” ou “moyenne”, adaptée au type de nuage et à la situation.
En bref :
Mesurer l’épaisseur d’un nuage, c’est un peu comme mesurer l’épaisseur d’une couche de brume dans une pièce immense : on a besoin de plusieurs points de vue et de bons outils, mais avec ça, oui, on y arrive très bien.