1. Une “normale climatique”, c’est quoi exactement ?
Les climatologues ne se contentent pas de regarder une année ou deux.
Pour définir le “climat habituel” d’un endroit, ils prennent une période standard de 30 ans (recommandation de l’Organisation Météorologique Mondiale).
Par exemple :
1961–1990
1981–2010
1991–2020 (la plus récente dans beaucoup de pays)
Pour chaque station météo et pour chaque variable (température, pluie…), on calcule :
une normale mensuelle (janvier, février, etc.),
une normale annuelle (sur l’ensemble de l’année),
et parfois des normales pour d’autres indicateurs (nombre de jours de gel, de canicule, etc.).
L’idée :
“Si je prends 30 années de janvier et que je fais la moyenne,
j’obtiens la température moyenne “normale” de janvier pour ce lieu.”
2. D’où viennent les données utilisées ?
On ne calcule pas des normales avec des impressions, mais avec des mesures réelles :
Stations météo au sol :
elles mesurent la température, la pluie, le vent, l’humidité, etc.,
de façon continue, souvent toutes les minutes, 10 minutes ou toutes les heures.
Pour les normales climatiques, on travaille généralement sur :
des valeurs quotidiennes (température max/min, pluie journalière),
regroupées ensuite en moyennes mensuelles et annuelles.
Mais avant de calculer quoi que ce soit, il faut s’assurer que la série de données est :
suffisamment longue (au moins 30 ans),
de bonne qualité (pas de grosses erreurs, pas de “trous” partout),
et homogène (pas de changements majeurs non corrigés : déménagement de la station, changement d’instrument, urbanisation autour, etc.).
3. Étape 1 : contrôle et nettoyage des données
Avant les moyennes, il y a le ménage.
3.1 Détection des erreurs
Les services météo passent les données dans des contrôles automatiques et manuels :
valeurs impossibles (ex : +60 °C en Belgique) → écartées,
valeurs très suspectes par rapport aux stations voisines → examinées,
doublons, inversions (Tmin/Tmax inversées), problèmes d’horloge → corrigés si possible.
Si un jour est trop douteux, on peut :
le marquer comme “donnée manquante” pour la suite.
3.2 Homogénéisation
Avec le temps, une station peut :
être déplacée de quelques centaines de mètres,
changer de type d’abri ou de thermomètre,
voir son environnement se transformer (construction de bâtiments, bitume, etc.).
Tout ça peut créer de fausses ruptures dans les séries de mesure (on a l’impression qu’il fait plus chaud, mais c’est juste l’effet de la ville ou du changement d’instrument).
Les climatologues font donc des analyses d’homogénéité pour :
détecter les ruptures,
les corriger ou au moins les prendre en compte dans l’interprétation.
4. Étape 2 : calcul des normales de température
Prenons l’exemple de la température.
4.1 Calcul des moyennes quotidiennes
Pour chaque jour, on dispose au minimum de :
Tmin = température minimale du jour,
Tmax = température maximale du jour.
On peut calculer une température moyenne quotidienne par exemple :
Tmoyenne(jour) = (Tmin + Tmax) / 2
(En pratique, certains services utilisent des moyennes horaires, mais pour vulgariser, cette formule est suffisante.)
4.2 Calcul des moyennes mensuelles
Pour un mois donné (par exemple janvier 2010), on fait :
la moyenne de toutes les Tmoyenne des jours de janvier,
cela donne la température moyenne du mois de janvier 2010 à cette station.
On répète l’opération pour tous les mois de janvier de la période de 30 ans.
Exemple :
On a 30 valeurs : Tjanv 1991, Tjanv 1992, …, Tjanv 2020.
La normale de janvier pour cette station est :
moyenne de ces 30 températures moyennes de janvier.
On fait la même chose pour :
Tmax moyennes mensuelles → normales de Tmax,
Tmin moyennes mensuelles → normales de Tmin.
4.3 Calcul de la normale annuelle
Il y a deux façons classiques :
soit on fait la moyenne de toutes les Tmoyenne quotidiennes sur 30 ans,
soit on calcule la moyenne des 12 normales mensuelles (pondérées ou non selon la méthode).
Le résultat :
la température moyenne annuelle “normale” pour cette station sur la période choisie (ex : 1991–2020).
5. Étape 3 : calcul des normales de pluie
Pour la pluie (ou la neige, en équivalent eau), on travaille plutôt avec des sommes que des moyennes.
5.1 Sommes mensuelles
Pour chaque jour, on mesure la quantité de pluie tombée (en mm).
Pour un mois donné (ex : mars 2005) :
on additionne tous les jours avec pluie (et 0 pour les jours secs),
cela donne la pluviométrie totale du mois (ex : 63 mm).
On répète pour tous les mois de mars de la période :
mars 1991, mars 1992, …, mars 2020.
La normale de pluie pour mars est :
la moyenne de ces 30 totaux mensuels.
5.2 Sommes annuelles
Même principe :
on additionne la pluie de tous les jours de l’année pour chaque année,
on obtient un total annuel (ex : 820 mm en 2013, 650 mm en 2014, etc.),
on fait la moyenne de ces 30 totaux → normale annuelle de précipitations.
5.3 Autres indicateurs liés à la pluie
On peut aussi calculer des normales pour :
le nombre de jours de pluie (≥ 1 mm, par exemple),
le nombre de jours de forte pluie (≥ 10 mm, ≥ 20 mm…),
le nombre de jours d’orage, quand ces données sont disponibles.
On fait alors la moyenne sur 30 ans du nombre de jours répondant au critère pour chaque mois ou pour l’année.
6. Et si des données manquent ?
Sur 30 ans, il est rare qu’une station ait 100 % de données sans aucun jour manquant.
Les services météo fixent donc des seuils de complétude. Par exemple (schéma simplifié) :
pour calculer une normale de janvier :
il faut qu’au moins X % des jours de janvier soient disponibles chaque année,
et qu’il y ait au moins Y années valides sur les 30.
Si un mois ou une année est trop incomplet, on peut :
ne pas calculer de normale (si vraiment trop de trous),
ou estimer certaines valeurs en s’aidant de stations voisines (méthodes statistiques ou interpolations).
L’idée est d’avoir des normales robustes, pas des moyennes bricolées sur 5 ans à moitié vides.
7. Des normales “stations” aux cartes climatiques
Les normales sont d’abord calculées pour chaque station.
Ensuite, pour faire des cartes (de température moyenne, de pluie annuelle…) :
on utilise des méthodes d’interpolation spatiale pour “remplir les blancs” entre les stations,
on tient compte du relief, de la distance à la mer, etc.
On obtient ainsi des cartes du type :
“Précipitations annuelles normales”
“Température moyenne de janvier”,
qui montrent les différences climatologiques d’une région à l’autre.
8. Pourquoi on change de période de référence de temps en temps ?
Le climat évolue (réchauffement, modification des régimes de pluie, etc.).
Pour que les normales reflètent ce que l’on considère comme le “climat actuel”, on met la période de référence à jour tous les 10 ans environ.
Par exemple :
pendant longtemps, on utilisait 1961–1990,
puis 1981–2010,
puis 1991–2020, etc.
Quand un service météo dit :
“Nous serons 3 °C au-dessus des normales de saison”
il veut dire :
“3 °C au-dessus de la moyenne calculée sur la période de référence (par ex. 1991–2020) pour ce jour / ce mois à cet endroit.”
Changer de normales ne crée pas le réchauffement,
mais permet de mettre à jour le “zéro” de référence pour mieux représenter le climat actuel.
9. À quoi servent concrètement ces normales ?
Les normales climatiques servent à :
comparer la météo actuelle avec ce qui est habituel :
“Mois de juillet plus chaud que la normale”,
“Automne très déficitaire en pluie”.
caractériser le climat d’une région :
“Climat tempéré humide, avec x mm de pluie par an, y jours de gel, etc.”
suivre l’évolution du climat :
on peut comparer les normales de 1961–1990 avec celles de 1991–2020 et voir les changements.
dimensionner des infrastructures :
agriculture, gestion de l’eau, bâtiment, énergie, etc.,
ont besoin de savoir quels niveaux “normaux” et quels extrêmes sont à prévoir.
En résumé
Pour répondre à :
“Comment calcule-t-on les normales climatiques (températures, pluie, etc.) ?”
On choisit une période de 30 ans (ex. 1991–2020).
On utilise les données des stations météo (température, pluie…) sur cette période.
On contrôle et nettoie les données (erreurs, ruptures, manques).
Pour la température :
on calcule des moyennes quotidiennes, puis mensuelles, puis annuelles,
la normale de janvier est la moyenne des 30 mois de janvier, etc.
Pour la pluie :
on additionne les quantités journalières pour chaque mois/année,
la normale est la moyenne des 30 totaux (mensuels ou annuels).
On fait de même pour d’autres indicateurs : jours de pluie, jours de gel, etc.
On peut ensuite passer des normales par station à des cartes climatiques via interpolation.
On met à jour ces normales toutes les quelques décennies pour qu’elles reflètent le climat actuel.
En bref :
une normale climatique, ce n’est pas un chiffre “magique”,
mais une moyenne soigneusement calculée sur 30 ans,
qui nous sert de repère pour dire si le temps du moment est “dans la norme”, plus chaud, plus froid, plus sec ou plus humide que d’habitude.