1. Tout commence par l’observation : savoir quel temps il fait vraiment maintenant
Pour prévoir les températures de demain, il faut d’abord connaître le plus précisément possible l’état de l’atmosphère aujourd’hui.
Les météorologues collectent en continu :
Les mesures de stations météo au sol (température, humidité, vent, pression…).
Les données de ballons-sondes qui montent dans l’atmosphère et mesurent le profil de température en altitude.
Les observations de satellites météorologiques, qui fournissent des informations massives sur les nuages, les températures de surface, l’humidité, etc.
Les mesures en mer (bouées, navires), sur les avions, les radars, etc.
On parle de réseau d’observation mondial : les services météo échangent leurs données en temps réel via l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
Sans ces observations, aucun calcul fiable n’est possible :
“Garbage in, garbage out” — si l’état de départ est mauvais, la prévision de température le sera aussi.
2. Les modèles numériques : des “simulateurs” géants de l’atmosphère
Une fois qu’on sait (à peu près) où en est l’atmosphère, on utilise des modèles numériques de prévision du temps (NWP – Numerical Weather Prediction).
Ces modèles sont des programmes informatiques qui résolvent, sur toute la planète, les équations de la physique de l’atmosphère : mouvement de l’air, chaleur, humidité, rayonnement solaire, échanges avec l’océan, le sol, etc.
2.1 Une grille 3D qui découpe le monde
Pour pouvoir calculer quelque chose, on découpe :
la surface de la Terre en petits carrés (mailles horizontales),
et l’atmosphère en couches (dimension verticale).
Chaque “case” contient des valeurs :
température,
humidité,
vent,
pression, etc.
Un modèle global comme celui du Centre européen ECMWF a aujourd’hui une maille de quelques kilomètres à quelques dizaines de kilomètres, selon le produit, et tourne sur des supercalculateurs gigantesques.
Les modèles dits “à haute résolution” (pour les prévisions locales à quelques jours) ont des mailles de l’ordre de 1 à 5 km.
2.2 Faire avancer le temps, pas à pas
Le modèle part de l’“instant présent” et applique les lois de la physique par petits pas de temps :
On sait la température, le vent, etc., maintenant dans chaque maille.
Le modèle calcule ce qu’ils deviennent dans 5 minutes, 10 minutes, 30 minutes…
Il répète l’opération encore et encore jusqu’à +1 jour, +3 jours, +10 jours, etc.
À chaque pas de temps, il met à jour la température de l’air dans chaque case, en tenant compte :
du rayonnement solaire,
de la chaleur émise par la surface,
des échanges verticaux (air chaud qui monte, air froid qui descend),
des nuages et des précipitations,
des échanges avec l’océan, le sol, la neige…
C’est comme un immense jeu de dominos physique : si on chauffe ici, ça change la température là, ce qui modifie le vent, qui modifie à son tour les nuages, etc.
3. Data assimilation : recoller les modèles aux observations
Problème : les observations sont incomplètes et bruitées, et le modèle n’est jamais parfait.
Pour améliorer le point de départ, les météorologues utilisent une technique clé : la data assimilation.
L’idée :
Combiner intelligemment les observations réelles et une courte prévision précédente pour obtenir la meilleure estimation possible de l’état actuel de l’atmosphère, qu’on appelle l’analyse.
Concrètement :
Le modèle a produit une prévision “de fond” (background) pour maintenant.
On reçoit des observations (satellites, stations, etc.).
On corrige l’état du modèle en pondérant :
ce que dit le modèle,
ce que disent les observations, en tenant compte de leurs incertitudes.
Cette étape d’assimilation est cruciale : une bonne analyse = de meilleures prévisions de température ensuite. C’est un domaine de recherche très actif.
4. Prévisions d’ensemble : plusieurs scénarios plutôt qu’un seul
L’atmosphère est chaotique : une petite erreur au départ peut grandir avec le temps (c’est l’“effet papillon”).
Pour estimer l’incertitude de leurs prévisions de température, les météorologues ne se contentent pas d’un seul scénario : ils utilisent des prévisions d’ensemble (ensembles).
Principe :
On lance le même modèle plusieurs dizaines de fois,
avec de petites variations dans l’état de départ (ou parfois dans les équations elles-mêmes),
ce qui donne une famille de scénarios possibles.
Pour la température :
Si tous les scénarios donnent 25–27 °C, la prévision est assez fiable.
Si certains donnent 18 °C, d’autres 30 °C, l’incertitude est forte et le prévisionniste reste plus prudent.
Ces ensembles sont aujourd’hui une base essentielle pour les prévisions jusqu’à 10–15 jours.
5. Le rôle du prévisionniste humain : corriger, localiser, expliquer
Même avec des modèles ultra-performants, l’humain reste indispensable.
Les articles de Météo-France et de sites spécialisés rappellent que l’analyse humaine est encore primordiale pour corriger les erreurs des modèles et adapter les prévisions à l’échelle locale.
Le prévisionniste :
Compare plusieurs modèles (modèles mondiaux, modèles régionaux, modèles étrangers).
Analyse les incohérences (un modèle voit 30 °C, un autre 24 °C).
Tiens compte :
du relief (vallées, montagnes, littoral)
de l’urbanisation (îlots de chaleur urbains),
des effets locaux connus (brises de mer, effet de foehn, inversions de température, etc.).
Ajuste la prévision de température pour coller à la réalité du terrain.
C’est particulièrement vrai pour :
les températures minimales (gel, risques pour l’agriculture),
les températures maximales en cas de chaleur intense ou de canicule,
les zones complexes (montagne, littoral, grandes villes).
En parallèle, le prévisionniste doit aussi rendre la prévision compréhensible au grand public :
expliquer les incertitudes, les scénarios possibles, les risques (canicule, vague de froid, etc.).
6. Et l’intelligence artificielle dans tout ça ?
Depuis quelques années, on voit apparaître des modèles météo basés sur l’IA, capables de prédire des champs comme la température en quelques minutes, à partir de grandes bases de données historiques. Certains, comme ceux développés par ECMWF ou Google DeepMind, rivalisent déjà avec les meilleurs modèles numériques traditionnels pour certaines échéances.
Aujourd’hui :
Ces modèles IA complètent les modèles physiques classiques plutôt qu’ils ne les remplacent.
Ils peuvent aider à affiner certaines prévisions de température, particulièrement à moyenne échéance (jusqu’à ~10–15 jours).
Mais les services météo restent très prudents : il faut s’assurer que ces IA respectent la cohérence physique de l’atmosphère et gèrent bien les situations extrêmes.
On se dirige donc vers une météo hybride :
Physique + données + IA + expertise humaine
= la meilleure prévision possible de la température pour les jours à venir.
7. Jusqu’où peut-on prévoir les températures ?
En pratique :
À 1–3 jours, les prévisions de température sont généralement très fiables (sauf cas local très compliqué).
À 5–7 jours, on a une bonne idée des tendances (plus chaud / plus frais que la normale, ordre de grandeur des valeurs).
Au-delà de 10 jours, on parle plus de scénarios et de tendances que de valeurs précises au degré près.
Les progrès sont constants depuis plusieurs décennies grâce :
à l’amélioration des modèles,
à l’augmentation de la puissance de calcul,
à de meilleures observations et techniques d’assimilation,
et maintenant à l’apport de l’IA.
Mais l’atmosphère reste un système chaotique : il existera toujours une limite à la prévisibilité fine des températures.
8. En résumé
Pour répondre clairement à “Comment les météorologues prévoient-ils les températures pour les prochains jours ?” :
Ils observent l’atmosphère avec un réseau mondial de stations, de satellites, de ballons, de radars, etc.
Ils assimilent ces observations dans des modèles numériques pour obtenir la meilleure image possible de l’état actuel (l’analyse).
Ils simulent l’évolution de l’atmosphère avec de grands modèles de prévision du temps, qui calculent la température dans une grille 3D couvrant toute la planète.
Ils utilisent des prévisions d’ensemble pour estimer l’incertitude et voir plusieurs scénarios possibles.
Un prévisionniste humain compare les modèles, prend en compte les particularités locales et ajuste la prévision pour fournir des températures cohérentes et utiles.
De plus en plus, des modèles d’IA viennent compléter le système, sans remplacer pour l’instant les modèles physiques et l’expertise humaine.
En bref : derrière la simple valeur “18–22 °C demain après-midi”, il y a un énorme travail scientifique et technique, combinant physique, informatique, statistiques, IA… et beaucoup de savoir-faire humain.